Le transfert par un associé-coopérateur en nom personnel de son exploitation viticole à une EARL n’entraîne nullement le transfert de son engagement coopératif.
Cour de cassation, 10 avril 2019, n° 358 F-D
CA Montpellier, 10 octobre 2017, n° 14/09283
Notre cabinet avait été saisi pour assurer la défense d’une coopérative viticole concernant un litige avec un associé-coopérateur qui s’était retiré irrégulièrement de la coopérative avant l’issue de sa période d’engagement sans motifs ni raisons légitimes.
Or, en cette matière, l’associé-coopérateur qui entend se retirer d’une coopérative ne peux le faire qu’en respectant les délais légaux et visés dans les statuts de la coopérative, avec obligation d’apport de ses récoltes jusqu’à la fin de sa période d’engagement, sauf à pouvoir exciper de motifs légitimes très strictement prévus et appréciés.
Tel n’était pas en l’espèce et l’associé-coopérateur, en refusant de continuer à apporter ses récoltes jusqu’à la fin de sa période d’engagement par suite de son retrait illégitime pour convenances personnelles, s’expose alors à devoir payer les pénalités statutaires pour non-apport et retrait irrégulier.
Dans cette affaire, pour éviter les pénalités statutaires dues, l’associé-coopérateur a soulevé qu’il devait être mis hors de cause en ce que la pénalité statutaire avait été prononcée à son encontre, en son nom personnel, alors qu’en réalité il n’était pas associé coopérateur puisque seule son EARL était exploitante agricole et était devenue porteuse des parts sociales de la coopérative, ce qui serait confirmé par le fait que c’était cette société qui était mentionnée dans les documents de la coopérative.
Le cabinet a alors souligné que ce simple changement de dénomination dans les documents adressés par la coopérative (bulletins, convocations…) ne saurait substituer la qualité d’associé coopérateur du viticulteur à l’EARL qu’il avait créé avec son épouse.
Le cabinet a plaidé que, contrairement à ce que soutenait le coopérateur, l’engagement d’activité n’est pas attaché à l’exploitation et qu’il est impossible de considérer que le transfert de l’exploitation entraîne automatiquement le transfert de l’engagement coopératif.
En effet, la qualité d’associé coopérateur est établie par la souscription ou par l’acquisition d’une ou plusieurs parts sociales de la coopérative et donc, en l’espèce, pour que l’EARL soit devenue associée coopérateur à sa place, comme le plaidait ce dernier, il fallait qu’un transfert ou une cession de parts sociales ait eu lieu entre le coopérateur et ladite EARL.
Il n’en était rien puisqu’en cas de mutation de propriété ou de jouissance d’une exploitation, l’associé coopérateur s’engage à transférer ses parts au nouvel exploitant, étant souligné que la cession des parts à un autre associé coopérateur ou à un tiers dont l’adhésion a été acceptée ne peut valablement intervenir qu’après autorisation du Conseil d’administration.
En outre, lorsqu’une telle cession a lieu, elle doit obligatoirement être dénoncée par l’associé-coopérateur à la Coopérative par LR/AR dans les 3 mois du transfert.
Rien de tout cela n’avait été fait par l’associé-coopérateur en l’espèce.
Le cabinet a obtenu gain de cause en première instance et l’associé-coopérateur a alors interjeté appel.
Par un arrêt du 10 octobre 2017, la Cour d’Appel de MONTPELLIER a fait droit à notre argumentation et a débouté l’associé-coopérateur de l’intégralité de ses contestations infondées en confirmant« qu’à défaut de pouvoir régulièrement justifier de la souscription ou de l’acquisition d’une ou plusieurs parts sociales de la coopérative, l’EARL […] n’a pas acquis la qualité d’associé coopérateur dès lors que contrairement à ce que soutient P. C.[…] le transfert d’exploitation n’emporte pas celui de l’engagement coopératif, et que la connaissance que pouvait avoir la cave de cette situation, attestée par les documents invoqués par l’appelant, ne peut suppléer à ces formalités substantielles dès lors que ce simple changement de dénomination n’induit pas à lui seul une substitution d’associé », le condamnant à payer à la coopérative le montant des pénalités statutaires réclamées.
Par arrêt du 10 avril 2019, la Cour de cassation a confirmé cette solution.
Ainsi, le pourvoi formé par l’associé-coopérateur a été rejeté, la Cour de cassation jugeant qu’ayant exclu toute substitution d’associé, ce dont il résultait que l’associé-coopérateur demeurait personnellement tenu de son obligation d’apport, la Cour d’appel n’avait pas à procéder à des recherches fondées sur un postulat inverse.